Quand la BMW M5 F10 est sortie, comme beaucoup de monde, je me suis posé la question: mais comment ont-ils pu sortir 560ch de ce V8 turbo et limiter au maximum le lag? eh bien voici quelques réponses de Jürgen Poppel, responsable du développement de ce moteur, chez BMW M.
Jürgen Poppel: ce V8 est un moteur hautes performences. En le développant, notre but a été de le rendre meilleur que son prédécesseur, le V10, qui est entré dans la légende.
Quels en sont les avantages?
Le gros avantage de ce moteur turbo est le couple important disponible à bas régimes comme en montant dans les tours. Alors qu’on doit enclancher la bonne vitesse sur le V10, ce n’est pas le cas avec le V8, sa plage de « puissance » est très large. Ce nouveau moteur dispose d’un couple de 700Nm dès 1500 tr/m. Avec le V10, on en avait seulement 300.
Dans la plupart des moteurs turbo, la puissance diminue rapidement dans les hauts régimes. Ici, elle est constante dès 1000tr/min, une limitation de régime moteur a donc son importance. Nous avons aussi implémenté plusieurs technologies faisant passer ce moteur pour un atmosphérique.
Quel est alors l’intérêt du client?
Il a une voiture performante faite pour le circuit et la conduite de tous les jours.
Dans la situation de « tous les jours », la consommation d’essence est moindre, nous avons beaucoup travaillé sur ce point (sur papier et en réalité). C’est un gros avantage par rapport à la M5 E60.
Comment avez-vous réussi cette combinaison: puissance et efficience?
Le mot magique est « respirer ». En faisant bien respirer un moteur (admission et échappement), on améliore sa réponse, sa puissance et son efficience. Nous avons pratiquement tout modifié dans ce sens.
Commençons par l’admission. A la sortie du turbo, l’air est à une température de 130° et doit être refroidit. Dans ce moteur, cet air n’est pas refroidit par de l’air plus froid mais par de l’eau. Nous n’avons donc pas l’utilité de transférer cet air dans de longs tuyaux, la réponse à la charge est alors plus courte. Nos tuyaux sont aussi généreusement dimensionnés. Bien entendu, boites à air et refroidisseurs sont installés très proche du moteur.
A B J: radiateurs. C: Pompe à eau pour la rangée de cylindres 1. D: intercooler pour la rangée de cylindres 1. E: Vase d’expansion. H: intercooler pour la rangée de cylindres 2. I: Pompe à eau pour la rangée de cylindre 2.
Ce V8 est équipé de la technologie “VALVETRONIC”. Pouvez-vous en dire plus?
Avec le système VALVETRONIC, les soupapes d’admission peuvent être soulevées plus ou moins hautes, entre 0,2 et 0,3mm maximum en plus et en continu. L’avantage est de pouvoir se rapprocher d’un moteur atmosphérique. Dans ce dernier cas, la puissance est régulée par les papillons de gaz, le moteur essaie toujours d’aspirer un maximum d’air. Mais justement, nous ne le laissons pas faire: la soupape est seulement ouverte à son maximum lors des fortes accélérations. Quand on lâche l’accélérateur, le moteur génère un vide partiel au niveau de l’admission (aspiration). Et quand la soupape d’admission est fermée et que le piston commence sa remontée, ce vide partiel ne peut plus être utilisé par le moteur.
01. VANOS côté échappement 02.Arbre à câmes côté échappement 03.Poussoir 04&08.Valve hydrolique ajustable HVA 05&09.Ressorts de soupape 06&07. Soupape 10.Culbuteur 11.Servomoteur du VALVETRONIC 12.Came exentrique 13.Ressort 14.Levier intermédiaire 15.Arbre à câmes côté admission 16.VANOS
Avec le VALVETRONIC, la quantité d’air admise est régulée par la soupape d’admission: quand le cylindre a assez d’air pour la charge voulue, la soupape se ferme. Un vide partiel est alors généré quand le piston descend. Imaginez alors mettre le doigt sur le bout d’une pompe à vélo, tirer et relâchez le manche: le piston revient à sa position initiale. En résumé, l’énergie « perdue » avec le vide partiel est récupérée juste après: le temps de réponse est alors amélioré.
Le VALVETRONIC permet aussi à l’air sous pression de se « construire » plus rapidement. De là, on peut utiliser une unité permettant de garder la rotation de la turbine à la même vitesse et de jouer sur l’ouverture des soupapes afin de gérer le changement de vitesse et l’accélération. On sentirait alors une meilleure réponse.
Et du côté de l’échappement?
On entend souvent parler de « sorties d’échappement croisées » et de technologie « twin scroll twin turbo » sans vraiment en comprendre les avantages (rires). La sortie d’échappement croisée est en fait un collecteur pour turbo optimisé de chaque cylindre. Généralement, un V8 sonne en « bégaiement ». Un V12 allume toujours ses cylindres en croix, une fois la rangée de droite et une fois l’autre, de façon régulière. Pour des raisons de confort, le V8 allume quant à lui deux cylindres d’un même côté à la suite et passe ensuite à deux cylindres de l’autre côté. On peut d’ailleurs entendre cet allumage particulier sur la plupart des V8 mais pas sur celui de la M5 F10.
Les collecteurs d’échappement sont fait de tubes joignant 2 cylindres de la même rangée. Les gaz sont alors transférés aux turbos de manière optimale. Chaque cylindre peut alors « expirer » sous de très bonnes conditions. Quand on ouvre la soupape d’échappement, une énergie importante est relâchée sous une grande pression, passe rapidement par le collecteur et entraîne violemment les turbines avec peu de pertes. A ce moment, on n’utilise pas seulement la quantité de gaz rejeté mais aussi son impulsion. Par exemple, imaginez souffler sur une hélice, fortement et brièvement: vous remarquerez que le volume d’air n’est pas le plus important, mais aussi son « impulsion ».
Et cela fonctionne seulement du fait que les turbines des Twin Scroll séparent les gaz dans les 2 turbos.
Afin d’illustrer cet avantage, faisons une petite expérience: imaginez 8 cylindres soufflant sur une turbine. La pression est non seulement envoyée sur la turbine mais aussi dispersée dans les sorties d’échappement des cylindres. On perd alors de l’énergie. Cette méthode est appelée surcharge à pression constante: on pompe tout dans un large tube arrivant à la turbine. Ici, avec nos 2 turbos, le Twin Scroll partitionne le flux vers la turbine directement sur ses ailettes, sans perdre d’énergie durant le trajet. C’est comme cela que nous tirons parti de la vitesse des gaz. Non seulement le volume du jet de gaz est utilisé mais aussi sa dynamique (impulsion).
Ce transfert des gaz d’échappement offre un autre avantage: quand plusieurs cylindres « explosent » ensemble dans un tube, il y a beaucoup de gaz résiduel. En conséquence, quand la soupape d’échappement est ouverte, le cylindre ne peut pas se vider entièrement. Dans notre moteur, les gaz sortant des cylindres emportent avec eux le résiduel.
Nous avons exploité tout ce que nous pouvions côté échappement, pour la meilleure charge possible et la meilleure réponse: section des tubes généreuse, échappement croisé et Twin Scroll turbo.
Faire mieux respirer le moteur offre des avantages, pas seulement en terme de réponse mais aussi une meilleure consommation de carburant?
Oui, le moteur de cette M5 fonctionne avec très peu d’enrichissement et donc une consommation moindre. Toutes ces mesures que j’ai décrites (et quelques autres) participent à la réduction de la consommation, que nous avons remarqué lors de nos tests, et aussi de la part de nos clients (ils nous ont d’ailleurs souhaité cela). Aujourd’hui, on peut faire un aller Munich-Nürburgring avec un seul plein (560km). C’était bien utopique avec l’ancienne M5.
En sélectionnant le mode Sport ou Sport+, on peut vraiment sentir un boost additionnel. Comme cela fonctionne?
Dans le mode Sport ou Sport+, le contrôleur du VALVETRONIC et des waste gate garde les turbines des turbos à leur vitesse maximale, tout le temps. Normalement, la waste gate est ouverte pour réguler la pression afin d’avoir un minimum de perte. Le pression est donc rétablit dès que je re-appuie sur l’accélérateur. Pour une meilleure réponse, on laisse la waste gate fermée jusqu’au moment où on doit réguler. Les gaz d’échappement passent alors toujours par la turbine qui tourne à une vitesse élevée. Quand plus de puissance est demandée, elle est immédiatement disponible. Par ailleurs, j’ai du coup une contre-pression qui augmente légèrement la consommation d’essence. Cette fonction, présente aussi dans la 1M, peut être désactivée par un bouton.
Nous entendons souvent dire que les moteurs turbo sont préférés car ils sont plus simple à construire. Est-ce vrai?
Non, du moins, pas nos moteurs. Les moteurs atmosphériques qui tournent vite sont sujet à de forces mécaniques élevées, et j’ai besoin de changement de charge qui fonctionne non seulement à haute vitesse mais aussi de l’efficience en conduite normale. Le turbo doit aussi répondre à la contrainte de haute température. Le V8 de la M5 F10 produit des gaz d’échappement à plus de 1050°. Plus grandes sont les températures, mieux c’est: on a pas besoin d’enrichir le mélange air/essence (et augmenter la consommation) pour refroidir le moteur et ces hautes températures sont bonnes pour la réponse. Par contre, cette température doit être maîtrisée. Ce bloc de 200kg fonctionne sur une plage de 110 à 115° alors que les collecteurs d’échappement et les turbos peuvent atteindre les 1000°.
Ces températures doivent être contrôlées et contenues quand la voiture roule et après sont arrêt. Au top, ce moteur peut fournir énormément de puissance à bas régime (beaucoup plus que l’ancien V10), donc beaucoup de chaleur peut être accumulé ici. Pour la plupart des voitures, ce n’est pas significatif car leur puissance totale n’est pas atteinte souvent, au contraire de cette M5, qui est une voiture de sport, pratiquant les circuits.
Comment garantissez-vous le refroidissement optimal?
Avec plusieurs mesures. Ce moteur a été descendu de 2cm afin d’optimiser l’admission d’air (ce qui bien sûr diminue le centre de gravité). En parallèle, le circuit de lubrification a été construit pour la course et peut recevoir jusqu’à 1,3g de force latérale. Comme le liquide de frein, l’huile doit être disponible où il faut, quand il faut!
La nouvelle M5 a plusieurs circuits de refroidissement: les classiques refroidissement d’eau et d’huile pour le moteur sont joints à un circuit de refroidissement basse température qui refroidit par exemple la boite à air. Au passage, même les contrôleurs (ECU) sont refroidit. En addition, il y a aussi un circuit particulier pour refroidir la boite de vitesse manuelle.
On nous demande souvent: quelle est la température maximum de l’huile?
La réponse est simple et surprenante à la fois: ne vous inquiétez pas de ça! Notre système de gestion de température détecte toutes les situations critiques: si un composant du moteur devient trop chaud, des contre mesures sont automatiquement prises. Cela induit par exemple une baisse de puissance afin de préserver le moteur.
Pour revenir à la question, la température maximum de l’huile ne doit pas excéder 150° et devient critique après 160° (les 200° sont occasionnellement atteint entre les cylindres). Ces températures hautes sont rarement atteintes et brèves, sans avoir de conséquences sur l’huile. Par contre, si cela devient fréquent, l’ordinateur de bord le prend en compte. Nos moteurs haute performance sont construits pour des conducteurs qui ne veulent pas avoir constamment un oeil sur la jauge de température.
Au passage, le moteur n’a plus besoin de 10W60 à haute viscosité, une viscosité basse suffit.
Pour finir, de quelle chose êtes vous le plus fier sur cette M5?
Cette nouvelle M5 est vraiment performante. Votre expérience de conduite sera unique, avec un caractère extrêmement sportif. Elle est fun, tout autant sur circuit que sur la route de la maison. C’est un réel plaisir pour moi de la conduire à chaque fois.
Source: bimmerfile.com
Quelle belle usine a gaz !!!!!!!!!
Salut Greg
Un vrai monstre sous le capot
elle va concurrencer les Ferrari cette M5
A bientôt